Il semblerait que la fréquence des visites chez le coiffeur soit de plus en plus exceptionnelle pour les Français. En effet, l’adoption de nouvelles habitudes concernant les soins capillaires, l’impact de l’inflation, sans oublier le basculement vers le télétravail, ont conduit à une véritable déviation de la courbe. Depuis le début de l’année, pas moins de 600 salons de coiffure ont dû fermer leurs portes.
L’épidémie de la Covid-19 a ébranlé les routines conventionnelles de soins capillaires. Qu’il s’agisse d’embrasser avec un nouvel enthousiasme la canitie, d’encourager la texture naturelle des mèches, ou de réduire la dépendance envers les traitements chimiques, les habitudes se transforment. Certaines femmes ont choisi de sauter le pas de la tendance «cure de sébum» et d’espacer leurs shampoings, alors que d’autres prônent des rituels de soins capillaires plus axés sur le naturel. Par ailleurs, de nombreuses autres ont décidé de mettre en avant leur chevelure grisonnante en laissant leurs racines pousser librement. Au final, le nombre de visites dans les salons de coiffure a dégringolé, précisément à quatre par an pour les femmes, selon les données recueillies par Christophe Doré, président de l’Union nationale des entreprises de coiffure (Unec). Les hommes, par contre, font six visites annuelles.
Les professionnels du secteur notent définitivement un changement s’opérer, impacté par à la fois l’inflation et le bouleversement des habitudes liées au confinement et au télétravail. Carole Cuach, une coiffeuse expérimentée qui exerce depuis plus d’une décennie, le confirme également. Depuis son salon enchanté à la devanture rose situé près de la Place de la Nation à Paris, elle témoigne d’une «réorientation stratégique» chez ses clients fidèles. «Je peux citer l’exemple d’une cliente qui, auparavant, revenait toutes les deux ou trois semaines pour une retouche de couleur. Désormais, elle a opté pour une coupe qui met en valeur sa couleur naturelle, donc moins de visites sont nécessaires», explique-t-elle à l’AFP.
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Décollage inédit des défaillances : une chaîne de salons de coiffure en péril
Les trois dernières années n’ont guère été clémentes pour les salons de coiffure, entre les vagues de confinements qui les ont contraints à fermer leurs portes, l’inflation galopante des coûts énergétiques et la contraction du pouvoir d’achat. Autant de facteurs qui ont entraîné une augmentation marquée du nombre de ces commerces sentant le vent du boulet. Selon les statistiques de la société de données d’affaires, Altares, entre le début de janvier et la fin juin, on note un nombre attristant de 602 procédures légales – incluant liquidations, redressements judiciaires et mesures de sauvegarde – qui ont pris la route des tribunaux de commerce. Comparé aux chiffres pour les mêmes périodes en 2021 et 2022, cela représente une hausse de 49% et une remarquable explosion de 181% respectivement.
Le responsable des études d’Altares, Thierry Millon, révèle dans un entretien exclusif à l’AFP qu’il n’est pas inconcevable de voir «un pic historique de défaillances» où les procédures dépasseraient le millier d’ici la fin 2023. Il faut rappeler qu’en un quart de siècle, cette ligne rouge n’a été franchie qu’une seule fois, 2015.
« Il y a eu une vraie effervescence autour de l’ouverture de nouveaux établissements de coiffure, peut-être un peu trop à mon goût. »
CHRISTOPHE DORÉ, CHAPEAU DE L’UNEC
Cependant, Christophe Doré, Président de l’UNEC, regarde cette évolution non pas comme une perte, mais plutôt comme une correction du marché. Il fait remarquer : «Depuis l’épisode Covid, il y a eu une vraie effervescence autour de l’ouverture de nouveaux établissements de coiffure, peut-être un peu trop à mon goût.» À la levée des restrictions, ces oasis de beauté qui avaient tellement manqué pendant les longs mois de confinement avaient été littéralement assaillis par une clientèle enthousiaste. Aujourd’hui, l’Hexagone compte plus de 100, 000 de ces salons dispersés aux quatre coins, y compris les services de coiffeurs mobiles – un bond comparé aux 85, 000 d’il y a cinq ans, selon les données de l’UNEC. Doré conclut avec un avertissement prudent : «Créer de plus en plus de salons ne nous aidera pas à mieux répartir la part de marché.»
Les salons modestes davantage impactés
Les clientes des grandes marques traditionnelles et des salons d’élite peuvent respirer librement; elles ne sont pas touchées, du moins, pas dans la même mesure. Selon Thierry Millon, ce sont les salons indépendants, souvent de petite envergure employant généralement moins de trois personnes, qui sont les plus susceptibles de souffrir. Situés dans des agglomérations intermédiaires, ces salons qui peinent à tirer leur épingle du jeu face aux grands noms de la coiffure, se trouvent dans une situation délicate. Devant faire face à une concurrence rude, ils se retrouvent souvent acculés, n’ayant pas le luxe de pouvoir surmonter des difficultés de longue durée, explique Millon à l’AFP.
Les instituts de beauté ne sont pas non plus épargnés de cette situation délicate, bien que dans une moindre mesure, selon le cabinet Altares. Ce dernier a recensé 389 défaillances parmi ces établissements au cours du premier semestre, une augmentation de 30% par rapport à la même période en 2022.